Le centre Pompidou à Metz est le seul édifice architectural dénué de toute recherche architecturale. Elle sort toujours de son bain avec des avis définitifs. Le bain c’est un truc qui permet de faire décanter ses idées. On se plonge là dedans et on en ressort clair, la lie dans le fond file avec la flotte. Chez elle les idées aussi décantent dans le bain.

Elle est consciente de la pauvreté de sa culture générale alors elle écoute France Inter. La radio des gauchistes qui attendent que Moïse se réveille dans Besancenot. En attendant c’est Pompidou le pauvre qui se retourne dans sa tombe, des experts aux avis tranchés elle choisit toujours les pires, les plus froids, les plus pessimistes. Les pessimistes ont toujours raison, imaginer le pire c’est déjà savourer l’instant où on se verra répondre “tu vois que je te l’avais bien dit !”.

Je me suis relevé, amoureux, un soir d’avril. Elle sait ouvrir les yeux des plus confiants, tu crois que la vie te sourit et elle, petit rat, te retourne la tête d’une claque ajustée au millimètre. Elle m’a parlé de sa peinture et de ses amants, de son manque de culture et de ses rêves. Elle déteste être à la traîne. Elle est comme ça, mon amoureuse, une boule de nerfs qui croit en ses rêves, qui n’a besoin de personne et qui n’aime pas les hommes quand ils succombent les premiers. Alors j’ai bien essayé de resister, de trouver des arguments mais cette fille tu peux toujours essayer de t’accrocher au bastringage, quand ça tangue, tu as plus de chances de passer par dessus bord que la voir t’entreprendre les angoisses génitales à petites lêvres rabattues. Elle est libre dans sa tête. Libre dans son corps. Persuadée. Absolument : Il y a des hommes pour coucher le premier soir, d’autres avec qui il faut ménager les convenances, attendre un peu plus longtemps, pas leur froisser l’éducation. Et puis il y a toi, mon pelot, toi dont on ne sait quoi faire. Tu erres dans la vie de femelles en espoirs et il y en a toujours une comme moi pour te récupérer, pétri de contradictions. On ne peut pas être amoureuses mon pauvre. Juste de bonnes amies, des confidentes, au mieux, de très bonnes amies. Tu es de ceux à qui on raconte tout, sans tricher, sans se cacher, sans craindre le jugement, tu seras mieux toute ta vie dans mon carnet d’adresses que quelques heures dans mon lit. Non pas que tu sois laid, non, tu serais même plutôt raffiné, un peu le prototype de l’homme idéal, bon ami, bon confident, bon père. A peine élégant mais cultivé, ça, on le nie pas.

Tu m’impressionnes Pierre, constant dans la durée, fiable, loyal, respectueux, attentionné et compréhensif. Tu me comprends quand je te parle et puis toi aussi tu me parles, tu m’expliques, tu me soutient, tu m’aimes et tu me trouves belle. Tu crois en moi. Tu seras bien dans ce rôle de l’amoureux transi par la peur de se faire écarter. Ecartellé par l’amour et la compassion, déchiré par l’envie de plaire et de faire plaisir. Tu ne veux pas qu’on t’oublie Pierre et on ne t’oubliera pas. Jamais. Cette indéffectible amitié de ceux qui se comprennent, qui partagent tout, qui s’aident, qui se soutiennent, qui s’encouragent. Mais qui ne baisent pas. On gâcherait tout mon Pierrot si on couchait ensemble toi et moi, je serais déçue au point de ne plus te considérer, de l’amant que tu serais devenu je voudrais le pire. Je suis une femme à hommes, une salope, une vraie et qui s’assume. Si j’avais voulu te sauter tu n’y aurait pas résisté, je t’aurais mangé, il ne serait rien resté de toi. Même pas la fierté de m’avoir eue dans ton lit. Ce que j’exige de mes amants je n’oserais jamais le demander à mes amis, je n’imagine même pas de le faire. J’ai peur Pierre, peur de te perdre, peur de perdre encore une fois ce que j’ai déjà perdu si souvent.

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